Plafonner les dépenses de santé au gré de la conjoncture, le concept pernicieux de l’initiative pour un frein aux coûts

20.03.24 | Proposé par: Dr Philippe Eggimann

Votations fédérales – Dimanche 9 juin 2024, la population sera amenée à s’exprimer sur l’initiative du Centre « pour un frein aux coûts » dans le système de santé. Par un mécanisme aussi absurde que dangereux, elle imposerait de limiter les coûts pris en charge par l’assurance de base en fonction de la conjoncture. Cela reviendrait à introduire un rationnement des soins et une médecine à deux vitesses, dont les personnes les plus vulnérables et la classe moyenne seraient les premières victimes.

Le débat sur les coûts de la santé, exacerbé lors de la longue campagne des élections fédérales de l’automne dernier, a été vif. Des propositions parfois radicales telles que la suppression de l’obligation d’assurance instaurée par la LAMal, des assurances « low cost » limitant le remboursement des prestations, ou la possibilité pour les autorités d’en interdire certaines ont été largement médiatisées, révélant des visions opposées de ce que devrait être l’organisation de notre système de santé.

L’enjeu est majeur. Tenter d’améliorer son fonctionnement en préservant son accessibilité et la qualité qui nous sont enviées loin à la ronde, ou renverser la table en donnant les pleins pouvoirs aux autorités. Une alternative qui poursuivrait alors la multiplication des mesures législatives et bureaucratiques, contribuant irrémédiablement à réduire le temps disponible pour les patient·es tout en générant de nouveaux coûts administratifs et en saturant les ressources disponibles.

Les soignants, futurs agents du rationnement ?

Mais le pire est peut-être encore à venir. Alors que les coûts de la santé en Suisse sont désormais plus bas que ceux des pays qui nous entourent, c’est l’augmentation injustifiée des primes dont personne ne parvient à maîtriser la mécanique infernale qui est remise au centre du débat par la votation sur l’initiative du Centre visant à instaurer par la loi un plafond des dépenses.

Au lieu d’un traitement étiologique, en remontant au véritable nœud du problème, cette dangereuse initiative propose d’inscrire dans la Constitution rien de moins que le principe d’un véritable rationnement des soins. Loin d’avoir le courage d’en assumer la responsabilité politique, les initiants imposent de plus aux prestataires de soins de devenir les agents du rationnement. Ce qui les condamnerait à appliquer des préceptes totalement contraires à ceux qui les ont conduits à s’engager au service de la santé d’autrui.

Ce qui serait freiné, c’est l’accès aux soins

S’il était entré en vigueur au début des années 2000, le plafond des dépenses de santé tel que proposé ici aurait conduit à renoncer au tiers de toutes les prestations actuellement réalisées ! Sans compter l’impossibilité de faire face à la pandémie, notre espérance de vie serait probablement la plus basse des pays occidentaux, alors qu’elle y est aujourd’hui la plus élevée y compris pour ce qui est de l’espérance de vie sans dépendance.

La votation fédérale du 9 juin 2024 est capitale. Nos bulletins de vote contiennent non seulement un choix sociétal, mais également potentiellement vital pour les personnes plus vulnérables au niveau de leur santé ou de leur situation financière, que les initiants prétendent pourtant vouloir défendre, et pour lesquelles l’accès aux soins serait en réalité irrémédiablement rationné. Le 9 juin, disons donc clairement non au muselage des soignants et à la mise en péril de notre système de santé !

Dr Philippe Eggimann, président de la SVM et de la Société Médicale de la Suisse Romande (SMSR), vice-président de la FMH