Prévention et DEP: et si on écoutait enfin les médecins ?

04.04.24 | Proposé par: Dr Philippe Eggimann

Maitriser les coûts de la santé: bien que tout le monde le sache pertinemment, mais sans vouloir l’admettre ou le reconnaître publiquement, il n’y a pas de solution miracle pour y parvenir. Ni l’ultralibéralisme des pays anglosaxons ou l’étatisation dans les pays qui nous entourent n’ont permis de maitriser les coûts de la santé, lesquels sont désormais plus importants qu’en Suisse. Pire, l’accès au système de santé y a été progressivement rationné et la qualité, pouvant être directement corrélée à l’espérance de vie, y est moins élevée.

Dans cette fuite en avant frisant la quête du grâle, les experts entendent maintenant nous imposer des mesures de prévention, ainsi que l’utilisation universelle du dossier électronique du patient (DEP). Pourtant, la grande majorité des médecins appliquent des mesures de prévention depuis plusieurs décennies déjà, et plus particulièrement ceux exerçant la médecine dite de premier recours. Elles expliquent, avec les progrès techniques, le gain de près d’une génération d’espérance de vie supplémentaire au cours des derniers trente ans.

Détecter et traiter précocement les maladies non transmissibles telles que l’hypertension, le diabète, l’obésité, la sédentarité; combattre les facteurs de risque et autres comportements à l’origine de nombreux cancers; vacciner; dépister précocement les cancers: suivre tout cela au long cours avec les patients représente déjà une part prépondérante de la pratique quotidienne des médecins. Espérons que les recommandations des experts permettent enfin de lui reconnaître une juste place dans les structures tarifaires.

Prôner la généralisation d’un DEP largement inadapté à la pratique médicale et aux besoins de la population est devenu une obsession politique et médiatique. De même que rendre l’utilisation du DEP obligatoire risque de compromettre une digitalisation pragmatique et efficace.

Les prestataire disposent de systèmes informatiques efficients depuis longtemps avec des logiciels nettement plus performants que ceux proposés ou prévus par les différentes communautés DEP du pays. C’est donc en faveur de l’interconnexion des systèmes utilisés par les prestataires qu’ils conviendrait maintenant de travailler.

Cela pourrait constituer une priorité de la stratégie DigiSanté en cours d’adoption. Les nombreuses propositions des prestataires – faites au cours de la procédure de consultation sur la révision de la Législation Dossier électronique du patient (LDEP) – pourraient y être intégrées. Cela permettrait de renverser la logique top-down, ayant également échoué, pour lui substituer une approche bottom-up plus agile. Ce serait également l’opportunité d’y intégrer les compétences qui font la réputation de nos écoles polytechniques fédérales (EPF), Universités et hautes écoles spécialisées (HES), jusqu’à présent absentes ou écartées, aux projets de nos autorités liés au DEP et à la numérisation.