Une personne âgée qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle (Proverbe de l’Afrique de l’Ouest)

06.11.20 | Proposé par: Doctoresse Sandy Estermann

Le 19 mars 2020, la Suisse est en semi-confinement depuis 6 jours; nous sommes à trois semaines du pic de la première vague de la COVID-19, les hôpitaux ne sont pas pleins et les soins intensifs ne sont pas surchargés. Les cliniques privées du canton de Vaud sont vides.

Cependant, mon EMS la fondation Clémence à Lausanne, encore vierge de COVID, est obligé d’accepter des patients COVID positifs pour décharger le CHUV. Cela revient à dire que notre Etat décide de mettre volontairement du COVID dans l’EMS, domicile de la population la plus fragile et la plus à risque d’en mourir. Cette mesure est à nouveau en vigueur depuis le 31 octobre 2020.

Les mesures HPCI sont excellentes mais non applicables dans la plupart de nos EMS où nous avons majoritairement des chambres doubles.

En mars, les mesures HPCI demandaient de confiner le résident COVID positif avec son voisin de chambre (donnant à ce dernier aucune chance de ne pas s’infecter), et de mettre les résidents asymptomatiques venant de l’extérieur (domicile et hôpitaux) en quarantaine, en chambre individuelle.

A l’heure actuelle ces directives se sont améliorées mais sont encore moins applicables que celles du printemps. En effet, elles demandent d’isoler en chambre individuelle les COVID positifs et de mettre en quarantaine, également en chambre individuelle, les résidents asymptomatiques qui viennent de l’extérieur (domicile ou hôpital) ainsi que ceux qui ont été en contact avec un cas COVID (voisin de chambre, voisin de table, voisin d’animation). Or, comme dit plus haut, les EMS n’ont à disposition que très peu de chambres individuelles.

En avril, au vu de la haute mortalité dans les EMS du canton de Vaud, Unisanté dépêche des « contrôleurs » pour venir dans nos EMS et évaluer si nous mettons correctement en place lesdites mesures. Nous ne recevons pas d’aide financière, pas d’aide logistique mais des « contrôleurs ».

Pour mettre en place les mesures HPCI, le secteur « court séjour » de la fondation Clémence qui n’est constitué que de chambres doubles, a dû réduire de moitié son accueil. Cela a engendré un important manque à gagner. La fondation doit néanmoins payer les salaires mensuels de ses 200 employés et à ce jour, elle n’a reçu aucune aide financière de l’Etat.

Valoriser les soignants pour préserver leur motivation

Les Suisses, aujourd’hui, ont besoin d’être soignés « en masse ». Ils ont donc besoin de soignants valorisés pour leur travail, payés correctement pour leur mise sous pression, leur stress et la baisse importante de leur qualité de vie. Ils ont besoin que les institutions de soins (pas seulement les hôpitaux mais toutes les institutions de soins) reçoivent des fonds pour faire face à cette crise sanitaire.

Des applaudissements pour les soignants, des milliards pour l’armée

Il est temps que l’État prenne conscience que la guerre est ailleurs !!!

Selon l’anthropologue Margaret Mead, le premier signe de civilisation reconnaissable, c’est une fracture de fémur consolidé; cela signifie que quelqu’un a pris soin de son prochain (l’a mis en sécurité, l’a nourri, lui a donné à boire…), pour l’aider à survivre suffisamment longtemps pour qu’il puisse à nouveau être autonome et s’occuper de lui-même.

Sommes-nous toujours des êtres civilisés ?

Doctoresse Sandy Estermann

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