NB: Cet article relatif à la gestion du Pôle Santé du Pays-d’Enhaut (PSPE) a initialement été publié dans l’édition du 19 janvier 2023 du Journal du Pays-d’Enhaut.
Avec le temps qui passe, en silence, sans le moindre bruit, des changements majeurs interviennent avec pour point d’orgue la récente fermeture de la salle d’opération, qui elle a fait davantage de vagues. Dans la rubrique « Adaptation des infrastructures » du Rapport annuel 2021 du Pôle Santé du Pays-d’Enhaut (PSPE), on apprend en effet que la piscine a été fermée à la suite « d’études approfondies » parce qu’elle nécessitait des travaux très coûteux de rénovation complète », et qu’elle était « trop peu fréquentée par une « clientèle restreinte ». De toute évidence, le public a peu réagi. Mais faut-il le rappeler, cette piscine a été décidée par l’Etat dans le cadre de l’accent mis sur la réhabilitation. Elle représente par ailleurs un instrument d’appoint d’importance en physiothérapie. Contrairement à ce qui est affirmé, elle a eu un succès certain, et en dehors des traitements proprement dits, elle a joué un rôle d’importance pour le développement et le maintien de la santé: groupe des bébés dans l’eau, activité des personnes âgées… Il n’est pas étonnant qu’après plus de 40 ans de mise en service, elle nécessite des travaux importants. Et si cela représente un problème financier, il y a lieu de se montrer créatif et de rechercher de nouveaux développements, de nouvelles activités, plutôt que d’y renoncer. Cela crée un déficit certain dans l’offre de l’Hôpital, en l’occurrence du Pôle Santé.
Récemment, je me suis rendu en consultation auprès de la gastroentérologue nouvellement admise et surtout bienvenue au Pôle Santé. A ma très grande surprise, elle m’a déclaré avoir été notifiée il y a peu par la Direction de ne plus venir à Château-d’Oex, les endoscopes nécessaires aux gastroscopies et colonoscopies ayant été « vendus » au Pôle de Ste-Croix… Les bras nous en tombent ! Ce matériel qui représente plus de CHF 100’000.- a été abandonné sans doute à la suite de l’audit de Swissmedic qui avait constaté une incompatibilité dans la présence concomitante des instruments chirurgicaux et de ces endoscopes dans les mêmes locaux. D’autres solutions pouvaient sans doute être trouvées. Une fois de plus, il s’agit là de prestations complémentaires d’importance et, qui plus est, qui ne sont pas déficitaires.
Ceci n’est qu’un épisode accessoire de la saga de la salle d’opérations. Le Collège des médecins, consterné d’apprendre cette décision d’arrêt, avait décidé de tout mettre en œuvre pour déboucher sur une solution plus raisonnable. C’est dans cette perspective qu’il a rencontré début décembre Mme la Conseillère d’Etat Rebecca Ruiz. Quelle ne fut pas la surprise d’apprendre de sa propre bouche qu’elle-même et ses services n’y étaient pour rien dans cette décision et que de son côté la poursuite des compensations financières pour le déficit de l’activité chirurgicale était garantie. Cette prise de position n’a pas infléchi le Conseil de Fondation et son Président Eric Fatio.
© Laurent Kaczor
Questionnements sur la gestion du Pôle Santé
Devant pareille rigidité, il y a lieu alors de s’interroger sur le fonctionnement du Pôle Santé (PSPE) et de son conseil de fondation. Le déficit abyssal est certainement la conséquence d’une erreur fondamentale de gestion. Elle se concentre sur les aspects structurels et ignore les éléments fondamentaux de la gestion économique. En cas de déficit, il y a lieu de faire des économies, certes, mais aussi et surtout d’augmenter les recettes. Comment le faire alors que le personnel atteint plus de 200 personnes malgré la mise en commun de services fondamentaux comme la cuisine et la lingerie, soit bien plus que le total additionné du CMS, de Praz-Soleil, et de l’Hôpital. Plusieurs chambres de malades ont d’ailleurs été transformées en bureau… Des remises en question sont donc nécessaires.
Les modalités statutaires de fonctionnement apparaissent également pour le moins surprenantes. La Fondation opère en circuit fermé sans aucune influence de l’extérieur, alors qu’il s’agit de la gestion d’une institution d’intérêt public. Les membres du conseil de fondation sont nommés par simple cooptation. La représentation régionale y apparait même secondaire. Prédominent des compétences techniques de l’extérieur et surtout une orientation politique générale qui ne correspond guère à la majorité en cours au Pays-d’Enhaut. Il n’y a plus d’assemblée générale et plus d’élection de vérificateurs des comptes. Cela exclut tout dialogue avec le Pays-d’Enhaut. L’Hôpital et le PSPE sont pourtant des institutions à son service. Cela doit impérativement être revu. Les municipalités doivent se mettre en concertation avec les députés et le Préfet pour engager le conseil actuel et son président à procéder aux révisions nécessaires. A défaut, des mesures autoritaires devront être envisagées.
Circuits relationnels et collaborations menacés
Nous avions décidé, le Dr Patrick Scherrer et moi-même, ainsi que le Collège des médecins constitué par les anciens maintenant à la retraite ou en passe de l’être, de mettre en œuvre une institution régionale capable de prendre en charge tous les problèmes médicaux et accidents courants, sans pourtant se lancer dans des acrobaties techniques. Ce concept avait été largement accepté par les Autorités et l’opinion publique. Il avait même été soutenu publiquement par Pierre-Yves Maillard, alors Conseiller d’Etat, qui s’était engagé lors de la cérémonie de mon départ en décembre 2005 à poursuivre dans cette voie.
Des collaborations fructueuses auraient pu se développer avec le Saanenland qui n’a plus d’hôpital et la Haute Gruyère qui spontanément visitait régulièrement notre établissement. Tout cela est non seulement en panne, mais en voie de disparition. C’est en effet une erreur fondamentale de penser que l’on pourra repartir en avant avec la construction d’un nouvel hôpital qui n’ouvrira pas ses portes avant cinq, mais plutôt dix ans. Entretemps tous les circuits relationnels et les collaborations auront été détruits et cela ne se reconstitue pas par une simple décision administrative. C’est un travail de longue haleine et l’effort collectif doit être entretenu. Ce n’est pas le chemin que prend le PSPE et au vu des investissements importants en vue, il est impératif de réagir avant qu’il ne soit trop tard.
Dr Yves Guisan