La désastreuse affaire Vincent Lambert

24.06.19 | Proposé par: Jean Martin

Au cours de mes rencontres de ces derniers jours, j’ai encore à trouver quelqu’un qui se réjouisse de la poursuite de la saga Vincent Lambert chez nos voisins français. Que je rappelle que, suite à un accident de circulation en 2008, cet ancien infirmier est resté en état dit «végétatif». En fonction de sa vie avec lui et de ses volontés clairement exprimées à l’époque, son épouse souhaite qu’on le laisse mourir en paix.

Les plus hautes instances judiciaires ont donné raison aux médecins qui se sont ralliés à la détermination de l’épouse (qui représente son mari). Ce à quoi s’opposent avec une virulence hors du commun les parents de Vincent Lambert et leurs avocats, qui ont multiplié les recours et continuent à le faire.

Comme médecin cantonal, j’ai vécu l’évolution des attitudes en rapport avec la fin de vie. Ainsi que le développement réjouissant des soins palliatifs, domaine essentiel de la médecine contemporaine. Ces enjeux sont, je le crois, traités avec justesse et respect chez nous. Mais j’ai toujours été impressionné, inquiet, depuis des années, de voir comment outre-Jura on ne parvient pas à dialoguer sereinement mais qu’au contraire on s’étripe (le mot est à peine trop fort) sur la place publique – sans apparemment prendre la peine de considérer la position de l’autre partie.

La lecture récente du remarquable ouvrage d’une médecin britannique qui a fait carrière dans les soins palliatifs* m’amène à citer des propos qu’on aimerait faire parvenir aux oreilles, à l’intelligence et aux cœurs de protagonistes dogmatiques (ma traduction de l’anglais): «Oui ou non avons-nous le droit de choisir quand mettre un terme à notre vie? Nous sommes nombreux à avoir une opinion à cet égard, liée à des perspectives diverses quant à l’autonomie personnelle, la dignité de la vie, la fragilité de la condition humaine […]. Il n’y a pas de doute que, des deux côtés, ceux qui font campagne [pour ou contre l’euthanasie ou l’assistance au suicide] sont motivés par des éléments de compassion et principe.

Pourtant, la discussion, si souvent polarisée et bruyante, semble avoir peu de rapport avec ce qui est vécu. Beaucoup de ceux qui travaillent quotidiennement en soins palliatifs sont exaspérés par les positions tranchées des militants de l’une ou l’autre vision, alors que nous savons que la réalité n’est ni noire ni blanche mais faite de nuances de gris, variant d’une personne à l’autre. La perspective qui manque aux deux «bords» est la réalité du mourir humain.»

Devant des épisodes réitérés comme ceux qui entourent le lit de Vincent Lambert, on craint vraiment que certains des acteurs ne s’intéressent qu’à leurs idées préconçues et pas à la vraie vie – ou la vraie mort.

* «With the End in Mind – How to Live and Die Well», Kathryn Mannix, William Collins, 2018.

Certains des acteurs ne s’intéressent qu’à leurs idées préconçues et pas à la vraie vie – ou la vraie mort

(Publié sur le 24Heures du 20.06.2019 https://epaper.24heures.ch/#article/128/24heures%20REGION/2019-06-20/2/98640194)

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