Révision LAMal: pour que gouverner ne rime pas avec rationner

07.12.20 | Proposé par: Dr Philippe Eggimann

Gouverner, c’est prévoir (1). «C’était», devrait-on dire en cette fin d’année peu ordinaire, tant il est vrai que rationner semble être devenu le maître mot en 2020. Rationner les masques et autres matériels de protection, puis les tests (PCR et antigéniques depuis peu) et, enfin, le traçage fut la réponse à l’extraordinaire expansion du coronavirus, qui n’obéit ni aux épidémiologistes, ni aux experts, ni aux politiciens, ni aux complotistes… Et rationner le soutien économique. «Mourir riche plutôt que puiser dans le bas de laine», ai-je déploré lors de la première vague (2), l’important restant, pour certains, en pleine deuxième vague, de ne surtout pas faire de dettes…

Il en va malheureusement de même pour les réformes de notre système de santé. Refusant obstinément d’écouter les propositions des partenaires, en particulier celles faites par le corps médical, le Conseil fédéral planifie le rationnement avec le deuxième volet de paquet de mesures visant à maîtriser les coûts.

Sans avoir jamais apporté le moindre début de preuve de leur efficacité, les mesures incluses dans ce deuxième volet mis en consultation instaurent, sans oser l’assumer clairement, le rationnement dans la LAMal, pourtant censée nous garantir l’accès aux soins. Alain Berset réussit pour une fois à obtenir un consensus aussi large que possible, sans que cela eût été nécessaire, contre ses propositions… Ce numéro vous en donne un bref aperçu avec les contributions de représentants des médecins, d’une association pour la défense des consommateurs, de conseiller·ère national·e et des médias.

La maîtrise proposée des coûts à charge de l’assurance-maladie obligatoire repose sur la synergie des prestations, du libre choix du médecin et de la liberté thérapeutique, inhérente aux directives des futurs réseaux coordonnés. Leur mise en œuvre sera confiée à une armada administrative dont la multiplication prévisible des mesures coercitives contribuera, dans une surenchère kafkaïenne, à limiter encore les moyens consacrés aux prestations de soins. Nous risquons donc de mourir riches… mais moins bien soignés. Dans ce contexte, les associations professionnelles se mobiliseront en 2021, comme en 2020 déjà (3), pour faire barrage au rationnement. La FMH a déjà annoncé qu’elle organiserait des référendums si le parlement devait emboîter le pas au Conseil fédéral.

Pour sa part, la SVM continuera à faire tout son possible pour mettre en avant les propositions concrètes qui sont une fois de plus détaillées dans ce numéro du Courrier du Médecin Vaudois. En vous en souhaitant une excellente lecture…

(1) Adolphe Thiers (1797–1877), politicien arriviste et mal arrivé à la présidence, tenu pour historiquement responsable de la répression sauvage de la Commune (1871) (www.histoire-en-citations.fr/indexation/thiers).
(2) Revue Médicale Suisse 2020; 16:797, www.revmed.ch/RMS/2020/RMS-N-691/Covid-19-Mourir-riche-ou-puiser-dans-le-bas-de-laine
(3) www.fmh.ch/fr/politique-medias/dossiers-politiques/maitrise-couts-budget-global.cfm

Dr Philippe Eggimann, président de la SVM

NB: Cet article a également été publié dans le Courrier du médecin vaudois de décembre 2020, intitulé “Réforme LAMal: Le 2e paquet n’est pas un cadeau!”

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