Vers un financement uniforme des soins ambulatoires et stationnaires

12.09.19 | Proposé par: Pierre-Gabriel Bieri

L’uniformisation du financement des soins ambulatoires et stationnaires contribuera à une meilleure maîtrise des coûts de la santé. En ce sens, le projet actuellement présenté au Parlement doit aller de l’avant, tout en étant corrigé afin d’éviter de donner aux autorités cantonales de santé publique – qui cumulent déjà souvent trop de rôles – davantage de moyens pour rationner l’offre de soins.

Un financement défavorable aux traitements les plus économiques

L’évolution des coûts de la santé préoccupe tant les assurés que les décideurs politiques. Une partie de cette évolution reste difficilement maîtrisable dans la mesure où elle résulte du vieillissement de la population et de ses attentes quant au niveau des soins. Pourtant, des pistes d’économie réalistes existent encore et doivent absolument être exploitées. C’est le cas, notamment, de l’harmonisation du financement des soins ambulatoires et stationnaires.

Pour mémoire: les progrès de la médecine permettent aujourd’hui de libérer plus rapidement les patients après certaines opérations. Les interventions rapides avec convalescence à domicile (soins «ambulatoires») et donc le renoncement à un séjour hospitalier (soins «stationnaires») permettent de réduire les coûts.

On pourrait sans doute recourir davantage aux traitements ambulatoires, globalement moins chers, si ceux-ci n’étaient pas  désavantagés par leur mode de financement: ils sont en effet entièrement à la charge de l’assurance-maladie obligatoire, et donc des assurés, alors que les traitements stationnaires, eux, sont financés conjointement par les pouvoirs publics, à hauteur de 55%, et par l’assurance-maladie, à hauteur de 45%. Pour éviter cette «incitation négative» en défaveur des traitements les plus économiques, il importe de définir un mode de financement identique pour les soins ambulatoires et stationnaires.

La possibilité de concrétiser cette idée existe aujourd’hui, avec un projet portant l’abréviation germanophone «EFAS». Il s’agirait d’établir, de manière identique pour toutes les prestations de soins, un financement conjoint par les cantons et les assurances, avec des parts respectives d’environ 25% et 75%.

Le rationnement des soins n’est pas une mesure adéquate

Cette révision a été travaillée par la Commission du Conseil national, puis a fait l’objet d’un avis du Conseil fédéral publié durant cet été. Elle va être discutée à la fin de ce mois devant le plénum du Conseil national (objet parlementaire 09.528, modification de la LAMal).
Le principe d’un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires n’est pas contesté. Dans l’intérêt d’une meilleure maîtrise des coûts de la santé, le projet doit donc impérativement aller de l’avant.

Malheureusement, le projet de révision, tel qu’il se présente actuellement, est assez inutilement lié à un volet qui inquiète les partisans d’une médecine libérale (objet 18.047, LAMal, admission des fournisseurs de prestations). Il est en effet prévu que l’actuel moratoire sur l’ouverture de nouveaux cabinets médicaux soit remplacé par de nouveaux outils de «pilotage» à disposition des cantons pour contrôler l’admission des prestataires de soins, et donc limiter l’offre de prestations médicales. Faut-il rappeler qu’un rationnement de l’offre ne constitue pas une réponse adéquate à l’augmentation des coûts de la santé? Cela renforce en effet le contrôle étatique de la médecine, tout en accentuant le risque d’une médecine à deux vitesses. Si l’on veut limiter quelque chose, on ferait mieux de s’attaquer au catalogue des soins remboursés par l’assurance de base…

Une révision menacée par l’intransigeance des cantons

L’avancement du projet «EFAS» est par ailleurs menacé par l’attitude excessivement rigide des autorités cantonales de santé publique. Celles-ci exigent en effet, d’une part, que le financement des soins liés à la vieillesse, notamment dans les EMS, soit immédiatement intégré au nouveau financement uniforme. Or une telle intégration, certes logique en soi, nécessiterait encore du temps et menacerait de retarder toute la réforme. D’autre part, les mêmes autorités cantonales refusent que les établissements conventionnés – ceux qui ne sont pas listés dans les planifications hospitalières publiques – puissent bénéficier du nouveau ratio de financement par l’assurance de base (soit environ 75%). Il n’est pas très fair-play, ni dans l’intérêt des assurés, de vouloir freiner ainsi la compétitivité des hôpitaux non subventionnés par l’Etat.

Cette intransigeance des autorités cantonales est sans doute à mettre en relation avec le fait qu’elles s’attribuent aujourd’hui trop de rôles différents, souvent difficiles à concilier, dans le domaine de la santé. Ce sont ainsi les mêmes autorités qui, dans certains cantons, sont propriétaires des infrastructures qu’elles ont préalablement planifiées, puis qu’elles subventionnent, tout en validant leurs tarifs. Le risque de conflit d’intérêts est manifeste, de même que la tentation de raisonner en termes de pouvoir, et non de santé publique. Un jour ou l’autre, cette confusion des rôles devra être remise en question.

Dans l’immédiat, il importe de faire avancer le projet de financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires, sans le surcharger inutilement ni le vider de sa substance, en évitant seulement d’y associer un inutile rationnement des soins.

Source : «Service d’information du Centre Patronal, 11 septembre 2019»

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