Vers un health pôle lémanique

29.06.21 | Proposé par: Dr Philippe Eggimann

Fusionnons nos hôpitaux universitaires !

On le dit peu, ou on feint de ne pas le reconnaître, mais dans le domaine médical, tout ce qu’il est possible de faire ailleurs dans le monde est disponible dans le bassin lémanique. Les immenses progrès médicaux des dernières décennies sont accessibles en quelques dizaines de minutes et pratiquement sans aucune restriction à une population d’à peine plus de deux millions d’habitants. Peu de régions offrent de tels privilèges que nous avons la responsabilité collective de maintenir.

Nous le devons à une prospérité un peu insolente qui résulte de la conjonction de facteurs économiques, scientifiques, académiques et sociétaux favorables en partie liée aux décisions prises dans la deuxième moitié du 20e siècle. S’appuyant sur cette prospérité à laquelle elle contribue largement, la Health Valley lémanique n’a en effet pour l’instant rien à envier à l’agglomération zurichoise, aux grandes métropoles d’Europe, voire à celles des autres continents telles que la fameuse Silicon Valley.

Tirons les leçons de nos échecs…

Mais rien n’est acquis ! Comme le montrent l’échec du RHUSO dans les années 90 et celui de MEDUNIL 20 ans plus tard, la vision et le souffle qui prévalaient à la création de l’EPFL à la fin des années 60 se sont englués dans l’esprit de clocher de quelques esprits facultaires influents. Pendant que nous prenons plaisir à nous quereller sur la prépondérance de tel-le ou tel-le hôpital, haute école ou faculté, ou encore sur la manière d’en partager le bénéfice collectif, la compétition est devenue mondiale.

Quel gâchis ! Comme le résument poliment quelques-uns de leurs principaux promoteurs un peu désabusés, nous devons tirer les leçons de ces échecs. Et si nous nous hâtions pour une fois un peu moins lentement et suivions résolument la voie sur laquelle nous invitent les bâtisseurs du Réseau Romand d’Oncologie et les entrepreneurs du Health 2030 Genome Center ?

… et risquons l’ambition collective !

Ce sera certainement difficile, car il faut dépasser les rentes de situation, les pseudo-particularismes micro-régionaux et risquer l’ambition collective. Développons des conditions contractuelles et administratives qui garantissent la libre circulation dans l’espace lémanique des professionnel-les de santé, des enseignant-e-s et de leurs élèves, des chercheur-euse-s, des entrepreneur-euse-s et surtout des idéaux qui les animent.

Osons enfin nous dépasser et mettons en commun, pendant qu’il en est encore temps, nos phénoménales ressources financières, techniques, académiques, scientifiques et surtout humaines. Plutôt que de les enfermer toujours plus insidieusement dans leur statut de service de l’Etat, au risque d’y engluer leurs partenaires, fusionnons nos hôpitaux universitaires dont les budgets comprennent déjà une part substantielle du financement des facultés de médecine. Consacrons une partie du milliard et demi de subventions cantonales dont ils bénéficient pour y intégrer la formation des médecins et des soignants dans une véritable école médicale. Mettons-les ensuite en réseau avec les hôpitaux régionaux, ainsi qu’avec l’EPFL et son parc d’innovation. Acceptons d’y sacrifier un peu des ambitions personnelles au profit de l’ensemble de notre collectivité. Créons un health pôle lémanique dont les capacités académiques, scientifiques et économiques contribueront à la poursuite du développement de la Health Valley.

A nous médecins de relever désormais le défi qui doit permettre à celles et ceux qui nous succèderont de bénéficier comme nous d’un accès à tout ce qu’il est possible de faire dans le domaine de la santé et des soins pour la santé, sans besoin pour cela d’aller le chercher ailleurs ou d’immigrer pour continuer à en bénéficier.

Dr Philippe Eggimann, président de la SVM

NB: Cet article a initialement été publié dans le CMV#3-2021 «Hôpitaux universitaires romands: à quand une école médicale lémanique?».

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